Toute personne dotée d'un ordinateur connait les claviers AZERTY et QWERTY qui sont respectivement les claviers français et anglais. Leur nom provient simplement des premières lettres en haut à droite pouvant être tapées à la suite. Mais chaque pays a en réalité ses propres claviers, car la difficulté est de pouvoir écrire dans sa langue, laquelle amène son lot de diacritiques et de caractères spéciaux. À titre d'exemple, les pays germaniques utilisent un QWERTZ, les belges ont leur variante de l'AZERTY et les bretons ont le C'hwerty. Et quand après ce n'est pas les constructeurs qui font n'importe quoi avec la disposition plane et la forme des touches sur les ordinateurs portables entre chaque modèle (Lenovo par exemple), l'informatique devient une jungle.
La raison est finalement l'absence de norme pour offrir à chaque français un clavier respectant un minimum de règles. Par exemple, les ligatures œ, les guillemets «», l'apostrophe courbée, les majuscules accentuées ou encore les espaces insécables devant la ponctuation. À part utiliser par exemple Microsoft Word et son correcteur de frappe, il est impossible de respecter ces pratiques dans un logiciel normal qui ne manquera sûrement pas de vous rappeler qu'il est limité à une variante de la table ASCII, c'est-à-dire à un ensemble de 256 caractères les plus courants.
Dans un document intitulé «Vers une norme française pour les claviers informatiques», le ministère de la Culture a noté ces quelques problèmes. En bon visionnaire, il est bien noté qu'un clavier optimisé ne doit pas pour autant interdire d'écrire dans d'autres langues, surtout en contexte européen où l'anglais, l'allemand et l'espagnol se côtoient.
Début 2016, le site d'informations NextInpact.com a rédigé deux articles (ici et ici) sur le sujet. Une démarche avec l'agence de normalisation Afnor serait en cours en 2016 pour faire une proposition en 2017. Pendant des décennies, des initiatives ont vu le jour. Les professeurs en linguistique et autres particuliers ont défini des dispositions qui permettent finalement de taper plus avec moins d'efforts. Outre l'aisance, c'est une réalité qui peut aussi réduire les troubles musculosquelettiques causés par les touches «mal placées» héritées des machines à écrire.
Pour la suite, on va se concentrer sur le clavier BÉPO. Il n'y a aucune garantie que cette disposition sera standardisée, mais elle est suffisamment dévelopée et une offre commerciale existe déjà à son sujet.
Tout d'abord, voici à quoi ressemble le clavier dans sa première version :
Des modifications ont eu lieu avec la version «1.1» concernant les caractères spéciaux :
En voyant cette image, il y a beaucoup plus de caractères qu'avec l'AZERTY donc on va pouvoir écrire plus de choses sans nécessiter de logiciels d'aide à la saisie.
Pour acquérir un clavier :
Pour l'option du clavier dédié, il faut être motivé, car la prise en main est loin d'être évidente et un achat coûteux risque d'être regretté. On peut de ce fait comprendre pourquoi ce ne sont pas les constructeurs d'ordinateurs qui vont s'empresser de mettre ce genre de clavier par défaut dans le commerce. C'est pour cette raison que la future norme ressemblera plutôt à l'AZERTY qu'au BÉPO. Il faudra aussi installer le pilote disponible sur le site bepo.fr.
Attention : depuis la création de cet article, une nouvelle version «1.1-rc2» du pilote est sortie (deuxième clavier en image). Cette version a un gros problème avec l'apostrophe droite qui est inversée avec l'apostrophe courbée, car un des concepteurs nous dit que «la priorité [est] donnée à la typographie [pour] avoir l'apostrophe ’ en accès direct» (en savoir plus). Les développeurs C/C++ sont forcés à faire un «AltGr+,» à moins d'utiliser le fichier «bepo.exe» disponible à ce lien (premier clavier en image).
Cet article de loisir a été écrit avec un clavier Bépo et n’est affilié à aucun partenaire. Ça met donc la pression pour mettre en œuvre toutes les règles espérées à terme par l’État ! Essayez de réécrire la phrase précédente à l'identique avec un AZERTY, bon courage…
Pour savoir comment les touches ont été disposées, il faut tenir compte de la fréquence d'utilisation des lettres en français. Vous observerez alors que les plus utilisées se situent sur la ligne du milieu. À titre d'exemple, le mot «instructions» n'a que le «O» qui soit en dehors de la ligne. À l'usage, on se rend compte que c'est très pratique, mais en contrepartie, ça rend les autres langues moins faciles comme l'anglais dont le «W» est excentré. Certaines touches ont été positionnées pour réduire l'acrobatie de la frappe.
Le clavier TypeMatrix™ propose des améliorations techniques très intéressantes :
Certains suggèrent d'abandonner le clavier AZERTY et de passer directement au BÉPO pour se faire la main et ne plus être perturbé durant l'apprentissage. Je pense que c'est une mauvaise idée, car les habitudes ont la vie dure. En basculant du jour au lendemain, vous perdez instantanément votre vitesse qui ne reviendra peut-être qu'au prix d'un entraînement rigoureux. C'est le même effet que de se retrouver en face d'un «clavier SNCF» dont les lettres sont disposées dans l'ordre alphabétique. Ensuite, il y a le contexte professionnel : votre ordinateur portable n'a pas besoin de clavier supplémentaire et le bureau à distance de Microsoft ne répond pas au BÉPO si le pilote ou Autokey n'ont pas été installés par l'administrateur. Il est également important de conserver la maîtrise de l'AZERTY, car un recruteur ne vous prêtera jamais de clavier BÉPO même si vous pouvez vous en vanter.
Mon expérience tend à dire que la transition vers le BÉPO n'est pas facile mais reste possible et intéressante notamment pour la capacité d'écriture et les troubles musculosquelettiques. Mais le fait de se mélanger dans les touches est très démotivateur et la progression est lente. À apprendre deux claviers, l'un déteint sur l'autre : le B n'est pas le A, l'underscore n'est pas sur l'espace, l'arobase est en Alt+Gr, le L et J sont inversés horizontalement, etc... En suivant la courbe de progression, il y a une période où on n'apprend rien et puis un jour, ça va mieux. Six mois sont alors passés en temps partiel (disons 25%).
Des jeux de frappe avec le logiciel Klavaro montrent qu'il est facile de progresser. Les exercices sont très pénibles mais la position des lettres doit évidemment s'apprendre. Un graphique s'affiche avec votre vitesse et les erreurs : la voir monter est toujours un encouragement !
Dernière modification le 9 janvier 2022 à 18:34